Alain Craniotakis a écrit :Et tant qu'on y est, DrA, peux-tu me donner ton avis sur la conjecture de Ferma ? Lorsque Wiles pour la résoudre s'est servi de la cohomologie galoisienne, je ne suis pas certain qu'il était en accord avec ses représentations automorphes. Qu'en dis-tu?
Ok, alors maintenant que t'as mis deux thunes dans l'bastringue, je m'en vais vous expliquer, z'avez du temps ?
Remettons dans le contexte : En mathématiques, on appelle conjecture, une règle qui n'a jamais été prouvée. On a vérifié cette règle sur beaucoup d'exemples mais on n'est pas sûr qu'elle soit toujours vraie.
Mais pourquoi la conjecture de Fermat a-t-elle été la plus célèbre d'entre toutes ?
Tout commence par le théorème de Pythagore. Encore lui !
Nous savons qu'il existe des solutions à l'équation x2 + y2 = z2. Ce sont les longueurs des côtés d'un triangle rectangle, aussi appelés triplets pythagoriciens. Par exemple, (3, 4, 5) en est un.
Le mathématicien français Pierre de Fermat (1601 ; 1665) se pose alors la question suivante :
si l'on remplace les carrés par des cubes, existe-t-il des solutions non nulles à l'équation x3 + y3 = z3 ?
Essayons par exemple 33 + 43 = 91, mais 91 n'est pas un cube …
Fermat en arrive à affirmer que ce n'est pas possible pour les cubes ni même pour aucune puissance strictement supérieure à 2.
Et Fermat ajoute, c'était un jeudi : « J'ai trouvé une merveilleuse démonstration de cette proposition, mais la marge est trop étroite pour la contenir. »
Cher Alain, très cher Alain, tu permets que je t'appelle Alain ? Tu mets le doigt là où ça fait mal, car effet tu as raison, la démonstration fait appel aux formes modulaires, aux représentations galoisiennes, à la cohomologie galoisienne, aux représentations automorphes et à une formule des traces, je précise, à toutes fins utiles qu'en mathématiques, une forme modulaire est une fonction analytique sur le demi-plan de Poincaré satisfaisant à une certaine sorte d'équation fonctionnelle et de condition de croissance, que bien évidemment la théorie des représentations galoisiennes est l'application naturelle de la théorie des représentations à la théorie algébrique des nombres, sans compter et vous l'aurez devinez que la cohomologie galoisienne est l'étude de l'action d'un groupe de Galois sur certains groupes, par des méthodes cohomologiques, je ne vous ferai pas l'affront de ne pas vous remettre en mémoire également que la formule de trace Arthur-Selberg est une généralisation de la formule de trace de Selberg du groupe SL2 à des groupes réducteurs arbitraires sur des champs globaux, développée par James Arthur dans une longue série d'articles. Ceci étant posé on y voit déjà bien plus clair...
La présentation de la démonstration par Andrew Wiles s'est faite en deux temps et trois mouvements, allegretto ma non tropo y soupalognon y crouton :
Donc celle du lundi 7 juin 1993, en conclusion d'une conférence de trois jours, il annonce que le grand théorème de Fermat est un corollaire de ses principaux résultats exposés. Je vous passe les détails, parce que finalement il s'est légèrement planté le Wiles, parfois il est con Andrew, mais il sait rester digne et plein d'entrain, il est primesautier. Ses tentatives pour combler la faille dans son raisonnement se révèlent pourtant de plus en plus désespérées, et Wiles, maintenant sous le feu des projecteurs, vit une période très difficile, il est à bout de forces, il ne mange que des Twix, des Mars et des Kinder Bueno, mais on ne peut se nourrir correctement avec ça ! Il pense qu'il a échoué et se résigne.
À l'automne, il me téléphone désespéré, "Allo Eric ? Oui, que puis-je faire pour toi mon bon Andrew lui dis-je simplement", "Je suis perdu avec Fermat !" Je lui suggère alors de reprendre la ligne d'attaque (Flach-Kolyvagin) utilisée trois ans auparavant. Wiles, bien que convaincu que ça ne marcherait pas, accepte, il sait que j'ai raison. Wiles y travaille environ deux semaines et soudain le lundi 19 septembre 1994, zavez remarqué, encore un lundi !
En un éclair, il vit que toutes les choses qui l'empêchaient de marcher, c'était ce qui ferait marcher une autre méthode (théorie dites théorie du DrA) qu'il avait travaillée auparavant, merci DrA, merci beaucoup. »
Alors que, prises séparément, Flach-Kolyvagin et Iwasawa étaient inadéquates, ensemble, elles se complètent. Le 25 octobre 1994, cette fois un mardi, ah, ah, on rigole moins là ! Deux manuscrits sont diffusés : Les courbes modulaires elliptiques et le dernier théorème de Fermat, et les propriétés annulaires théoriques de certaines fonctions de Hecke. Le premier, très long, annonce entre autres la preuve, en se fondant sur le second pour un point crucial. Le document final est publié en 1995, avec mention spéciale pour le DrA, qui, modeste restera dans l'ombre puisqu'il est génial mais modeste. Maintenant c'est donc le Théorème de Fermat-Wiles-DrA.