La traversée Du Super servant 4

Un très grand merci pour ce post et ses superbes images
Votre manière de concevoir la vie est touchante de simplicité (attention je dis bien simplicité pas bêtise pour ceux qui ont tendance à interpréter)
Je me suis régalé à vous lire et espère d'autres aventures
Encore merci

Oui, c'était chouette de savoir comment ça se passe à bord de la traversée.
Ne rien faire, ou presque pendant 15 jours, ça me rappelle mon service militaire...

ça va c'est pas trop long, j'ai pu tout lire Re ! Parmi les mutants !

Ah oui et merci Alinou,c'était super COOL!

Merci à Juanjose, Brad et Autobit pour vos commentaires. C'est vrai que c'étais pour moi l'occasion d'écrire mon quotidien, pour une fois que j'en avais le temps. J'aurais tant d'autres histoires, d'autres traversées, d'autres échanges improbables avec des armateurs plus farfelus les uns que les autres. D'autres expériences à partager, comme cette traversée du canal de Suez, avec le canon 12/7 pointé sur nous, d'un camion de l'armée qui nous suivait sur la berge. Ou cette mutinerie il y a trois ans déjà.
Mais généralement, je n'ai pas le temps d'écrire. Mes journée habituellement commencent sans vraiment s'être finies. Je me couche la première fois à deux heures et demi, pour me lever à quatre heure. Puis je me recouche à six heures, pour me lever vers dix heures. Toute la journée, je traite le tout venant, la routine et l'urgent en même temps. Les jours comptent triples, une semaine me donne l'impression d'en avoir duré trois.
Un jour peut être j'écrirai mes mes mémoires dans un livre, mais pour ça, il me faudra attendre la retraite... dans dix ans.

Merci d'avoir partagé cela avec nous
a+

j'adore ton post c'est un régal ! merci bien...
je suis vraiment d'accord avec ton analyse du français qui ronchonne sans savoir ce qui se passe ailleurs ! en même temps ! c'est pas parce qu'ailleurs ça pu la merde qu'il faut pas que chez nous ça sente la rose ! hihihi... j'ai vécu en Turquie quelque temps à la fin des années 80 et honnêtement ! la France.... c'est vachement bien ! hihihi continue de nous regaler de tes recits..
et des Mémoires !?? ça être bonne idée ! ...

Teubar39 a écrit :

j'adore ton post c'est un régal ! merci bien...
je suis vraiment d'accord avec ton analyse du français qui ronchonne sans savoir ce qui se passe ailleurs ! en même temps ! c'est pas parce qu'ailleurs ça pu la merde qu'il faut pas que chez nous ça sente la rose ! hihihi... j'ai vécu en Turquie quelque temps à la fin des années 80 et honnêtement ! la France.... c'est vachement bien ! hihihi continue de nous regaler de tes recits..
et des Mémoires !?? ça être bonne idée ! ...

Promis, encore trois jours. Merci.

Jour seize mardi 11

J'étais à la timonerie de notre yacht ce matin à huit heure trente. Les instruments du bord affichaient un baromètre à 1010hpa et une température de 21°. Il est huit heures cinquante-quatre, le baro a perdu une unité et la température est tombée à 18°. Nous sommes dans le golfe du Lion et ici le vrai fauve c'est la météo changeante et les vagues pouvant devenir énormes. C'est l'endroit le plus redouté de la méditerranée. Il y a cinq ans, un voilier classique de vingt-quatre mètres, parti d'Antibes avec deux membres d'équipage à destination de Minorque, a disparu emporté par un grain, dans ces parages, sans laisser de trace . Ce que les marins nomment un grain, les terriens pourraient le qualifier de tempête. Mais en mer, on préfère des termes plus imagés. On ne parle pas de mer démontée, on dit qu'elle est grosse quand les vagues atteignent six mètres, très grosse de neuf à quatorze mètres, l'équivalent d'un immeuble de cinq étages. Au-delà, les marins qui par nature ont une tendance à minimiser l'état de la mer, finissent par la trouver énorme. Mais à ce stade vous êtes dans un ouragan et avez peu de chance de vous en tirer.
Le temps d'écrire ces quelques lignes et dehors l'orage gronde. Rien de bien inquiétant pour le moment la mer de son côté est calme avec des vagues de moins d'un mètre et un vent de huit nœuds, 14km/h.
En revanche il fait maintenant 12°, nous avons perdu 9° en l'espace de quarante minutes, seuls les montagnards connaissent aussi ce genre de phénomène.

Je le disais précédemment, la méditerranée est une mer imprévisible et sournoise. Ses vagues y sont courtes, ce qui les rends plus menaçantes. Et je m'explique, en atlantique un creux de deux mètres se sent à peine, parce le sommet de la vague est séparé du creux d'au moins soixante mètres. Ce qui nous donne une pente de 3%. En méditerranée entre le sommet d'une vague de deux mètres et son point le plus bas a peine une quinzaine de mètres, parfois moins. Ce qui nous donne des pentes de 13%. Et comme une vague n'est pas une pente régulière mais une hyperbole, sur de si petites distances, une vague de deux mètres déferle, alors qu'en Atlantique, c'est à peine un dos d'âne, une longue oscillation. Dans une vague normale, l'eau ne se déplace pas dans le sens horizontal, ne faisant que monter et descendre, mais dans une déferlante, le sommet de la vague vous tombe dessus en une masse liquide considérable et destructrice. Bien sûr le problème, ce ne sont pas les déferlantes de deux mètres mais celles qui atteignent les trois ou quatre mètres. Une hauteur de vague, qui en Atlantique qui resterait tout à fait navigable.
Notre marre aux canards, comme se plaisent à l'appeler les marins bretons est cassante pour les bateaux et vicieuse au possible. Ceci dit, naviguer parmi les récifs, avec des marées de six mètres et entouré de brume, n'est pas non plus une partie de plaisir. Je ne minimise pas, loin de là les difficultés qu'affrontent aux quotidien les pêcheurs du Finistère. Je n'envie pas non plus ceux qui prenne par nécessité ou par plaisir, la mer dans le Golfe de Gascogne, un autre enfer maritime réputé. Combien de grands navigateurs ont vu leur tour du monde à la voile, avorté quelques heures seulement après leur départ, parce que le Golfe de Gascogne réclamait sont tribu à ceux qui avaient osé s'aventurer sur ses flots ?
Combien d'épaves brisées, de coques broyées et des corps décharnés gisent dans ces fonds ? Et l'Atlantique, lorsqu'il se déchaine est le plus hostile des environnements avec des lames de plus de quinze mètres de hauts et des vents soufflant bien au-delà des cent kilomètres heure. En fait, c'est une banalité de dire que toutes les mers du monde sont dangereuses et à prendre avec précaution. Oui, la mer tue régulièrement. Et même dans le monde de la grande plaisance des pertes sont à déplorer chaque année. Le plus souvent, pour être honnête par négligence comme ce pauvre marin tué dans une collision devant Cannes il y a deux ans. Ou cet autre qui s'est noyé bottes aux pieds en tombant du yacht dont il lavait les baies vitrées.
Mais pour ramener les choses à leur juste valeur, je rappellerais ici une conversation que j'ai eu il y a quelques années avec un ami d'enfance qui me rappelait ces risques. Je lui ai simplement répondu : «J'ai plus de chance de mourir d'un accident de la route en me rendant à mon travail qu'en traversant le méditerranée pour livrer un yacht en Tunisie » et les statistiques sont là pour le démontrer.

Entre temps à bord du Super Servant 4, la pluie a cessé, la température et le baromètre remontent peu à peu, il semble que nous soyons entrain de laisser le mauvais temps derrière nous...

Jour seize mardi 11 Suite

...C'est pour ainsi dire le dernier jour de notre périple, ou presque puisque nous arriverons aux toutes premières heures de mercredi dans la baie de gène.
Donc les communications avec la terre sont plus faciles et mon armateur peut enfin me communiquer de ses réflexions ubuesques. Ce qui le préoccupe en ce moment, c'est que notre navire, lorsqu'il est complètement chargé en gasoil, au lieu d'être parfaitement équilibré, subit une gîte (inclinaison) de 3° sur bâbord. Et soyons juste, il a raison d'être inquiet.
En allant exploré les fonds, j'en ai conclu que le problème provient d'un mauvais positionnement des gueuses dans les fonds de cale. Pour être plus clair, une fois que la coque est sortie du moule et que toutes les options sont ajoutée sur le plan, les données sont entrées dans un ordinateur qui calcule la stabilité de l'ensemble. Le programme fournit ensuite, l'emplacement exact ou doivent être positionnée les gueuse (lests en plomb) et le poids de chacune. Il suffit d'une erreur lors de la saisie des données ou de leur interprétation, pour qu'une ou deux gueuses soit mal positionnées.
J'ai eu un échange à ce sujet avec un des responsables du chantier constructeur, qui est d'accord avec ces conclusions. Il ne reste plus alors qu'à vérifier les données et l'emplacement réels des gueuses pour trouver la cause de cette gîte.
Oui mais mon boss à une autre idée. Selon lui, la coque est vrillée. Pour lui c'est un défaut de moulage et pour le démontrer il me demande de verser de l'eau sur le sol en marbre de sa salle de bain. Dans son raisonnement, si l'on peut appeler ça raisonner. Disons plutôt dans son orage cérébral… oui là c'est mieux… Il se dit que si lorsque le bateau est à l'eau et qu'il prend sa douche, l'eau coule sur bâbord, alors si le navire est tordu, elle devrait encore couler sur tribord lors qu'il est de niveau et à sec.
J'ai donc pris une grande inspiration pour lui expliquer, que :
1 La coque et la super structure, sortant toutes les deux de deux moules différents, si l'une est tordu, l'autre ne pourra pas être jointée dessus.
2 Que cette coque sortant d'un moule réutilisable pour tout la série, si son bateau est tordu, les 82 autres Sanlorenzo 126SD le sont aussi et donc tous devraient pencher dans la même direction. Ce qui n'est pas le cas.
3 Que de surcroit, une coque même vrillée, peut flotter droit si elle est correctement équilibrée.
En 4 je lui ai donné mon explication, que je vous ai livré plus haut.
Mais rien n'y fait, notre illustre génie de la construction navale est convaincu. Je suis donc allé dans sa salle de bain et j'ai versé par terre un dé à coudre d'eau. Et devinez quoi ? L'eau forme un petit rond sur place.

La preuve par l'image !

Je suppose que demain il me dira que c'est parce qu'il y a un trou dans le sol à cet endroit.
Mais comment cet âne bâté, cet idiot du village, cet étalon de la bêtise humaine peut-il diriger des dizaines de concessions automobiles sans faire faillite ???
A-t-il seulement fini ses études supérieures et si oui dans quel domaine ? Surement pas les maths ou la physique, ça demande un minimum de capacité. Ou alors a-t-il été brillant dans le passé. Après tout se remplir de Vodka de dix heures du matin à minuit, ne doit pas être le traitement idéal pour cultiver ses neurones. Entre ses synapses, ce n'est plus du courant électrochimique de quelque millivolts qui circule, mais des vapeurs d'alcool. Le résultat donne des idées brillante du genre : Et si on allait planter des choux sur la Lune ?
Si seulement ce gars se mettais à réfléchir avec ses pieds, au moins, il pourrait devenir footballeur.
Quel bonheur de se dire que dans trois jours, je ne serais plus la cuve de vidange de ses fièvres délirantes. Ce sera sur mon successeur qu'il assènera avec l'autorité d'un maître de conférences de Cambridge, son flot ininterrompu d'absurdités.

Le plus ahurissant c'est de se dire que si ce clown était sorti du vagin d'une femme de la classe ouvrière. Il n'aurait sans doute pas réussi à obtenir le moindre diplôme et aurait fini sa vie à refaire le monde un balai à la main, poussant les mégots dans un square de sa ville. Sans doute aurait-il trouvé que ratisser des feuilles mortes avec une pelle, c'est plus efficace qu'avec un râteau. Il se serait saoulé à la bière ou au vin avec les copains du bistro, avant rentrer chez lui, cogner sur sa femme pour se soulager de l'injustice qui le voue à une telle existence.
Mais en fait la vie est véritablement injuste, lors qu'il fait de ce genre d'imbécile, un millionnaire, alors qu'il y a certainement, quelque part sur terre un gars dans un square qui, s'il était né à sa place, aurait fait bien mieux que lui et ne serait pas en train d'user ma patience...

Jour seize mardi 11 Suite 2

Pour avoir rencontré pas mal de millionnaires guère mieux équipés au niveau quotient intellectuel que celui-ci, je me mets parfois à douter des thèses de Darwin concernant l'évolution des espèces.

Au passage, en parlant de millionnaires, il y a une particularité chez les riches. C'est une caste à part. Vous y rentrez avec votre premier million et peu importe votre couleur, votre ethnie, ou votre religion, désormais vous faites partie de cette caste et ne serez jugés par vos pairs, qu'au regard de votre fortune. Et peu importe, d'ailleurs, comment cette fortune a été acquise.
D'où, tout l'intérêt de procéder un yacht, non pas pour naviguer et découvrir le monde avec, mais juste pour le montrer. Il est donc important d'amener votre yacht dans les marinas les plus chère au monde, pour y être vus ; Monaco, St Barth, Ibiza, Poto Cervo, Mikonos. Vous ferez alors semblant d'être encore plus riche, pour être encore plus respecté et si possible en ne dépensant des sommes délirantes, que pour des futilités et seulement lorsque ça se voit. Le salaire des équipages et l'entretien du yacht ne remplissant pas ces conditions, on peut donc se montrer avare.

Notre fier vaisseau à St Barth, "The place to be"

Jeunes vous aurez épousé en premières noces, une fille de votre milieu, que vous aurez toutes les chances d'avoir rencontré lorsque vous étiez en fac, dans une de ces soirées étudiants où les filles de bonnes familles se laissent aller aux plaisirs orgiaques.

Les filles de bonnes familles se laissent aller aux plaisirs orgiaques

Elle doit être jolie, avoir de la conversation, mais surtout savoir se taire quand les hommes disent des choses importantes. Après quinze ou vingt ans, deux gosses et quelques opérations chirurgicales, pour essayer de masquer les dégâts du temps et des excès d'une vie de riche, vous commencerez à la trouver moins présentable.

Après quinze ans elle est moins présentable.

Vous finirez par la tromper avec une secrétaire, une stagiaire ou votre dentiste, plus jeune, plus jolie et trop heureuse de flatter votre égo aux dimensions astrales. Puis le piège se refermant sur vous, retrouvant la passion de vos vingt ans, vous tombez amoureux de votre maitresse et divorcez pour l'épouser.

Ah, les jeunes secrétaires ambitieuses !

Pour assurer son héritage, votre deuxième épouse vous ferra un autre bambin alors que vous fêterez bientôt vos cinquante ans. Dix ans plus tard, vous ne supporterez plus cette conne vénale et ayant compris la leçon et étant trop usé par la vie pour être encore séduisant, vous la tromperez avec des call girls à cinq mille euros la nuit.

Quand on aime on ne compte pas

Mais quand on aime on ne compte pas. Un jour vos nombreux abus en tous genres auront finalement raison de votre carcasse. Vous vous rendrez compte alors, sur votre lit de mort, que votre entourage est plus soucieux du partage de l'héritage à venir, que de votre départ prochain. C'est alors que vous redeviendrez un humain comme tous les autres, votre argent, quelle que soit votre fortune, ne pouvant retarder indéfiniment le moment ou votre cœur s'arrêtera et que votre très illustre personne ira pourrir dans un trou.

Même si c'est joli, un trou reste un trou !

Et là je me demande si Karl Marx avait été membre d'équipage, sur un yacht, dans sa jeunesse.
Non je ne suis pas communiste et pas près de le devenir. Je considère qu'il est normal que des individus ayant travaillé dur, où ayant une idée de génie ou même pourquoi pas, ayant fait fructifier un héritage déjà confortable, parviennent à devenir des millionnaires et même des milliardaires.
Ce qui en revanche m'insupporte, c'est que ces gens peuvent légalement ne pas payer d'impôts, faire fructifier leur capital en détruisant des emplois, alors que leur capital suffit déjà largement à leur besoins pourtant pharaoniques et pire que tout, qu'ils se permettent de se croire supérieur au reste de l'humanité...

Jour seize mardi 11 Suite et Fin

...Un jour un armateur qui me demandait de lui trouver une hôtesse pour un salaire dérisoire à oser ajouter : "Vous trouverez bien une traine-misère heureuse de bosser pour ce salaire."
L'immonde personnage nous avait confié la carte de crédit de son épouse pour aller acheter du vin, des bouteilles à 500€ l'unité. Mon capitaine de l'époque, je n'étais alors que second, s'est arrêté devant un distributeur de billets, pour interroger le compte de la dame. Elle avait huit millions d'euros sur son compte courant. Ce qui vous laisse une idée des placements et autres comptes ainsi que ce qui devait se trouver sur le compte courant de son époux.
En comparaison à ma fortune personnelle, mille cinq cents euros pour mon armateur représentent un euro et cinquante centimes pour moi. Ces mille cinq cents euros de plus qu'il refusait de payer pour une hôtesse. Pouvez-vous imaginer que vous avez une femme de ménage qui vous coûte un euro cinquante par mois et que vous refusez de la payer trois euros, parce qu'il y aura toujours une traine misère pour accepter ce salaire ?

Il est quinze heure trente passé, le vent à forcit à vingt-cinq nœuds, quarante six kilomètres heure, creusant la mer, les vagues atteignent 1.80m et déferlent déjà. Mais pour le Super Servant 4, ce n'est en comparaison de sa taille qu'un petit clapot. En revanche notre Sanlorenzo de trente huit mètres dans de telles conditions souffrirait, grinçant et geignant sous la torsion, rebondissant d'une vague sur l'autre. Pas en danger pour si peu, mais pas à la fête non plus.
Pourtant c'est bien ainsi que je l'aime cette mer patrie, écumeuse et en colère sous un ciel désormais bleu limpide. J'adore particulièrement cette sensation de puissance qui se dégage d'un navire lorsqu'il fend le flot à sa proue avec vigueur, comme pour dire, tu ne me fais pas peur.
J'aime voir les embruns noyer pendant quelques instant les vitres de notre timonerie, avant que nos essuie-glaces ne fassent leur œuvre. J'aime sentir sous mes pieds le pont qui roule d'un bord sur l'autre. Là je me sens vraiment vivre.

Bon c'est quand même joli St Barth.

Grosse différence de notion de tempête entre les marins et les terriens: un copain de l'Oise me demande toujours si tout va bien dès que le vent dépasse 100km/h.
Alors pour les marées, tu as oublié un détail, en Manche, on dépasse largement les 11 mètres de différence entre la basse mer et la haute mer.
Ça me rappelle l'histoire d'un gamin qui est venu à la plage la matin à marée haute et revenant l'après-midi avec sa mère il découvre la mer bien basse et dit à sa mère :
Maman, la mer elle a fondu...

Je suis allé voir les pages web / catalogue du constructeur
Dans le descriptif d' un modèle " asymétrique " il y a un seul terme maritime : pont ! mais ... salle a manger , salon et balcon
j 'ai aussi relu tes explication sur la réglementation et les conditions de navigation , finalement cette beauté peut a peine rejoindre la Corse en partant de Marseille ?

DART1973 a écrit :

Je suis allé voir les pages web / catalogue du constructeur
Dans le descriptif d' un modèle " asymétrique " il y a un seul terme maritime : pont ! mais ... salle a manger , salon et balcon
j 'ai aussi relu tes explication sur la réglementation et les conditions de navigation , finalement cette beauté peut a peine rejoindre la Corse en partant de Marseille ?

Le fait que les explications soient en langage de terrien, c'est bien la preuve que les nouveaux Armateurs n'y comprennent rien en matière de nautisme. Pour ce qui est des capacités de navigation du 126 asymétrique, oui c'est bien ça, à peine Marseille - Corse. Avec l'ensemble des options haute mer, il pourrait alors entrer dans la règlementation des 200 miles d'une côte, mais pas transatlantique, vu son autonomie.
Quoi d'étonnant, de toutes les façons ce que son proprio en espère, c'est d'aller de St Tropez à Monaco et de Monaco à Porto Cervo.

Jour dix-sept mercredi 12

Promis, ce n'est pas la plus belle ville d'Italie.

Nous voici arrivés à bon port après dix-sept jours de traversée. Etrangement d'ailleurs si les journées passent vite, au cumul, j'ai tout de même l'impression d'avoir embarqué sur le Super Servant 4, il y a plus d'un mois. En fait chaque jour ressemble au précédent, au point que l'on finit par avoir la sensation de revivre une journée sans fin, comme coincé dans une boucle temporelle. Et si on ne s'évertue pas à suivre le calendrier, où comme je le fais à tenir un journal, on finit par ne plus savoir quel jour on est. C'est le cas de Groot, qui me demande régulièrement : « Je s'appelle Groot ? » qui dans son langage veut dire quel jour sommes-nous ou bien dans quel fuseau horaire ? Et comme je lui répond avec une phrase, invariablement il me regarde avec un air surpris. La conversation avec mon mexicain va me manquer.

Ici l'arrivée du Bateau Pilote. Ce dernier va monter à bord pour guider notre commandant vers son poste d'amarrage.

Gène notre destination n'est pas exactement un port de plaisance ni même l'image de carte postale que l'on se fait de l'Italie. C'est un port de commerce au pied d'une ville aux allures industrielle. Une sorte de St Etienne au bord de la mer. Si déprimante qu'ici, même les ponts sont effondrés. Il nous faudra attendre demain matin pour enfin être remis à l'eau et quitter les cales du S.S.4. Aujourd'hui une barge est venue se mettre à couple du cargo pour vidanger ses cuves et évacuer ses poubelles, en accord avec les lois Mar-Pol, qui régissent désormais le trafic maritime pour limiter son impact sur la nature. Là encore c'est juste histoire de se donner bonne conscience. Comme je l'ai expliqué au début de ce journal, le S.S.4 s'aliment au fioul lourd. Un carburant des centaines de fois plus polluant que le sans plomb. Il est démontré que quatre-vingts gros porte-containers, polluent autant que tout le parc automobile français, voitures, camions, autobus, engins de chantiers, agricoles et militaires compris. Rien qu'en une journée, lorsque nous avons traversé Gibraltar, nous en avons croisé une trentaine. Dès lors il est évident que les lois du commerce international, sont supérieures à toute autre prérogative et que les histoires de vignette verte, voitures électriques et autres utopies dans le genre, sont de la poudre aux yeux pour les pauvres naïfs que nous sommes. D'ailleurs le réchauffement de la planète n'est même pas la plus terrible des échéances aux quelles l'humanité va devoir faire face d'ici une génération ou deux. Le vrai problème c'est la surpopulation, mais personne n'en parle parce qu'il n'y a pas de remède acceptable contre cette plaie qui menace l'avenir de notre espèce.

Tout ce beau charbon pour alimenter les usines de production d'électricité qui vont alimenter nos Zoé et autres Tesla. C'est ça le progrès !

Un jour, nous serons, dix, quinze ou vingt milliards sur cette petite sphère bleu et notre mère planète ne pourra plus subvenir à nos besoins et éliminer nos déjections.
Oui ; mais comme un pays pour avoir de la croissance économique, doit voir se multiplier sa population et comme chacun veut plus de croissance dans son pays pour pouvoir consommer plus, la machine infernale s'est emballée et plus personne ne peut l'arrêter.
Alors, toujours envie d'avoir des gosses ?...

Sans l'aide des trois remorqueurs, il serait impossible de manœuvrer le Super Servant 4 dans un espace si restreient.

Jour dix-sept mercredi 12. Suite.

Voilà nos ordures qui partent à la déchetterie.

Et voici notre ravitailleur.

...Après la barge, c'est un petit pétrolier qui est venu à couple refaire le plein de brute, pour la prochaine traversée. Sur le dock d'à côté un Porte container de taille moyenne, moins de deux cent cinquante mètres est en train de finir son chargement. La voilà l'invention qui a bouleversé notre monde moderne et à l'insu du plus grand nombre ; le container. Sans lui, pas de mondialisation, pas de surproduction et de déferlement de produits asiatiques, inondant les marchés Européens. Sans lui, vos télévisions seraient toujours fabriquées chez Philipps, Brant ou Thomson, vos réfrigérateurs et lave linges coûteraient encore le mois de salaire d'un ouvrier qualifié et ce dernier aurait encore son emploi chez Arcelor, Manu France ou Simca.
Avant le container en acier, les marchandises circulaient dans des caisses en bois que l'on chargeait et déchargeaient, presque à l'unité. Pour remplir un cargo de taille moyenne pour l'époque, environ 150m et 35.000 tonnes, cela prenait une semaine. Ajoutez autant pour décharger, plus la durée du voyage, qui pendant une longue période après la guerre de Suez, prenait deux mois parce qu'il fallait contourner l'Afrique. Du coup, le marché asiatique se limitait aux importations japonaises et quelques babioles de Hong Kong. Rien de bien rentable. Aujourd'hui, pour vider un porte container de 400m de long et de 500.000 tonnes, transportant 10.000 containers, le recharger et le renvoyer en mer, ça ne prend plus que trois jours. Du coup le fret a démultiplié ses capacités et fait chuter les coûts de transport, rendant les produits asiatiques, très compétitifs. La chine s'est mise à produire dans des quantités jamais atteintes jusque-là et pris le contrôle de Hong Kong, dont le savoir-faire en la matière était essentiel, pour inonder la marcher mondial. Sans oublier Taiwan et la Corée du sud qui suivent la même progression. La suite vous la connaissez, on s'est mis à acheter des télé Samsung ou Panasonic des téléphone Huawei ou Lenovo et peu à peu les fabricants européens ont soit délocalisé soit disparus. Et le temps d'écrire ces lignes, le Porte container est parti, remplacé par un autre plus modeste, à peine 150m de long avec une capacité de 240 containers. Et un second petit pétrolier est venu ravitailler la seconde moitié de fioul brute.

Ca c'est une porte container de taille moyenne !

Pour en revenir aux changements dans notre monde moderne, inutile de le préciser, si je m'égare dans de tels explications, c'est que mon esprit, lassé d'attendre des heures durant, divague. Ce qui n'a que peu l'occasion d'arriver, lorsque l'on occupe un emploi à terre, à quelques exceptions près : gardien de nuit, responsable SAV dans une grande compagnie de pompe funèbre ou directeur de la com. aux services secrets. Bien que pour le dernier, je ne sois pas certain que le poste existe. Imaginez un peu leurs slogans publicitaires :

« Mon affaire Lafarge en Syrie aurait pu être une vraie catastrophe, heureusement c'est mon agent DGSE qui s'est occupé de tout. La DGSE, pas de blabla pas de tracas, juste Pfum Pfum (bruit d'un silencieux)»

Ou encore : « Ce petit coin de nature est l'endroit idéal pour faire disparaitre un témoin gênant, avec mon nouvel agent Homo, le meurtre c'est plus gay. Ce message est un communiqué du ministère de la défense. »

J'ai aussi : « Oh mon mari est bien embêté ; il ne sait plus comment se débarrasser de ses problèmes de pot-de-vin. Mais comment il fait ton mari, il a toujours l'air si innocent ?
- Enfin ma chérie, c'est évident ; Il utilise la nouvelle DGSE, l'agent blanchissant le plus fort ! Il détruit même les grosses tâches du Fisc. »

Bon à bien y réfléchir, il vaut mieux que la DGSE ne fasse pas de pub, donc pas de responsable com chez eux....

Le pire dans tout ca c'est que tu as raison, sur la pollution...
je cite : "Pourtant, d'un point de vue écologique les navires de croisière sont de véritables aberrations. Selon une étude publiée par l'organisation non gouvernementale Transport et environnement en juin dernier, les 94 bateaux du leadeur mondial du secteur, Carnival Corporation, auraient émis (accrochez-vous) dix fois plus d'oxyde de soufre en 2017 que l'ensemble des 260 millions de voitures du parc européen cette année-là."
Et même à l'arrêt ca pollue ces sales bêtes, nous on en a constamment dans le port de Pointe à Pitre, merci pour nous....

Jour dix-sept mercredi 12. Suite et fin.

Au premier plan, un pétrolier de petite taille, environ cent à cent vint mètres. dans l'arrière plan un porte-container de 340 mètres de long.

Pour en revenir à mes divagations, fatalement, lorsque l'on passe des heures confinées dans une timonerie de sept mètres carrés, on finit par accorder à son esprit le droit de s'évader. En saison, j'ai normalement assez peu le temps pour ce genre de réflexions, mais cette traversée en revanche fut comme une pose dans un quotidien bien rempli.
Et voilà donc le secret du bon fonctionnement de notre civilisation. Nous n'avons pas le temps de nous poser les vraies questions. Nous nous contentons des habituelles : que va-t-on manger ce soir où alors comment s'est passé ta journée ? Eventuellement on peu ajouter des considérations plus terre à terre encore, telles que : Comment puis-je gagner plus ou comment je vais payer l'orthodontiste pour le petit dernier ce mois-ci. Eventuellement on peut être amené à se demander, comment le voisin du troisième fait pour se payer une nouvelle BMW avec son salaire de vendeur dans une jardinerie ? Ou encore ; la jolie blonde de la boulangerie me sourit parce que je lui plais, ou juste pour être polie. Dans ce cas, le plus souvent c'est la deuxième option qu'il faut cocher. Surtout si tu as quarante ans du ventre et autant de cheveux sur la tête que de bougies sur ton gâteau d'anniversaire.
Si en plus tu payes avec des vieux tickets restaurant au nom de ton épouse, IL N'Y A PLUS DE DOUTE !

Voici enfin révélé dans toute sa longueur notre transporteur, le Super Servant 4

Bref, demain dix sept heures dernier carat, je quitte ce yacht pour renter définitivement chez moi. Le moment sera alors venu d'ajouter des photos à ce texte et de le partager avec vous. Puis la vie reprendra son cours et comme tout un chacun, j'oublierais mes divagations. Puis une nouvelle mission viendra et je repartirai.

En attendant mon boss, m'en a réservé une dernière ; Lui qui veut tout dirigé m'a dit lors de notre dernier entretien, qu'il allait s'occuper de nous réserver une place à la marina où nous devons passer la nuit une fois débarqué du Cargo. Oui mais notre agent vient de m'appeler, rien n'a été réservé, parce qu'il n'a pas répondu au devis. Le connaissant il essaye de trouver une solution moins onéreuse ailleurs, voir à l'ancre, l'abruti. Normalement trouver une place dans un port pour la nuit fait partie de mes prérogatives, si je m'en étais occupé, le problème serait déjà réglé. Là, c'est au prochain capitaine de se débrouiller. Moi je débarque quoi qu'il arrive demain à 17 heures.

gilou-971 a écrit :

...
Et même à l'arrêt ca pollue ces sales bêtes, nous on en a constamment dans le port de Pointe à Pitre, merci pour nous....

Nous avons le même problème à Cannes, Marseille ou Toulon, où les pétitions se succèdent sans succès.