La traversée Du Super servant 4

vraiment excellent … je vais suivre avec un intérêt passionné et grandissant

DART1973 a écrit :

Etonnant de vouloir que l 'intérieur d' un bateau ressemble tellement a un appartement !

Je plussoie car c'est la réflexion que je me faisais en lisant le post et en regardant les phortos.

C'est vrai j'ai le même appartement avec sols en marbre et vasques en onyx…

Bien d'accord avec la remarque sur les intérieurs. Avant un yacht s'était acajou et cuirs Regency avec du laiton partout. maintenant on se croirait dans une tour à Dubaï. D'ailleurs trop clinquant à mon goût. Mais c'est ce que les nouveaux "Yachtmen" réclament et le client est roi.

Jour neuf mardi 4

Ici plus de Covid, nous voilà en quarantaine forcée, nous les quatorze yachties et les vingt-trois membres d'équipage du Super Servant 4, n'agissant que pour l'essentiel ; manger dormir, se laver et maintenir en état les vaisseaux qui nous permettent de survivre au milieu de nulle part. Chaque yacht gère l'électricité et l'eau douce fournie par le transporteur et maintien en état ses propres réserves alimentaires, mais tout ça demande une attention permanente. Aujourd'hui nous avons dû ouvrir et nettoyer les filtres d'arrivée d'eau de mer pour la climatisation. Ils étaient bien encombrés d'algues et de coquillage. En fait, s'ils se bouchent, l'air frais qui maintien en vie nos onduleurs cessera de circuler et moins de vingt minutes plus tard, nous n'aurons plus d'électricité à bord. Donc plus de conservation des aliments, plus de toilettes et plus d'eau courante. Et ce luxueux navire se transformera en bidon ville flottant. Et ce n'est qu'un exemple parmi les nombreuses opérations de maintenance qui font notre quotidien.

Ceux-ci sont les filtres du circuit primaire, de refroidissement des moteurs de propulsion.

Un yacht fonctionne grâce à des dizaines de systèmes différents et le plus souvent, dépendants les uns des autres. Nous avons de la gestion de l'électricité du bord ; trois tensions, du 400v, Du 230v et du 24v Continu. J'ai connu des yachts plus anciens avec cinq tensions différentes. Notre électricité peu indifféremment provenir du quai, des groupes électrogènes ou des batteries de service. Nous avons cinq parcs de batteries différents ; Pour le service du bord, pour les démarrages des moteurs, pour le démarrage des groupe électrogènes et en cas d'extrême urgence, pour alimenter les éclairages de secours et la radio VHF.

Le dernier parc alimente l'alarme incendie. Le tout est subordonné à deux onduleurs géants qui assurent la continuité entre les différents modes d'alimentation du bord. Dans le Yacht se trouvent, pas moins de 9 tableaux électriques ou se répartissent des hordes de disjoncteurs. Un vrai cauchemar lorsque l'un d'entre eux décide de faire faux bon. Puis il y a les systèmes TV, Hifi, WiFi, interphone, et Satellite qui nous relie à la terre. Ce dernier ne fonctionnant pas pour le moment, notre millionnaire d'armateur trouvant ça trop cher. A la timonerie il y a le GPS, le radar, l'AIS, les deux lecteurs de carte, le sondeur, l'anémomètre, la commande de réglage des stabilisateurs, le compas magnétique, le pilote automatique, le contrôle des feux de navigation, mouillage et « non maitre de sa manœuvre », la VHF et le Hailer, couplé au projecteur de poursuite. Sans oublier les commandes des moteurs principaux et du propulseur d'étrave.
Puis aussi l'écran de gestions du bord, sur lequel on peut superviser les transferts des pleins des six réservoirs de fuel contenant quelques 30.000 litres, les deux tanks d'eau fraiche de six mètres cubes et ceux des eaux usées, qu'il faudra ensuite traiter avec le Hamann. Puis il y la clim, les ouvertures de porte automatiques, les balcons basculants, les winches les guindeaux, j'arrête là une liste qui pourrait sans mal couvrir deux pages comme celle-là, étant presque certain d'avoir perdu mes lecteurs jusqu'au plus assidus, à ce point de la description.

Et l'annexe, comment fais-tu pour la mettre à l'eau. Je vois bien la porte du hangar ou je ne sais pas comment tu appelles ça dans le monde du yachting. Je vois bien aussi une rampe avec des vérins...il y a une grue?
Tu parlais autres joujoux, j'imagine des jetskis qu'il faut bien remonter aussi.

hello captFracass ! fascinant ton récit, j'adore, ce monde m'est inconnu, normal, la mer , ça me fais c ... ! mais c'est très intéressant ! ...
merci et vivement la suite !
ta vu : y a personne qui chouine qu'il y a pas de gonzesses !

Et tout ça dans un milieu humide , salin ... quand je vois l 'entretien d'un pauvre appartement que j 'avais sur la promenade de Cabourg

DART1973 a écrit :

Et tout ça dans un milieu humide , salin ... quand je vois l 'entretien d'un pauvre appartement que j 'avais sur la promenade de Cabourg

viens chez moi...une maison en climat tropical, avec la mer autour...un enfer.

et en plus tu doit avoir des bestioles voraces , des cyclones , les mancenilliers , les noix de coco ,
Faudrait pas que ma voitures reste trop longtemps , déjà que c ' est pas terribles

DART1973 a écrit :

et en plus tu doit avoir des bestioles voraces , des cyclones , les mancenilliers , les noix de coco ,
Faudrait pas que ma voitures reste trop longtemps , déjà que c ' est pas terribles

ce qui ne te tue pas te rend plus fort! bon les mancenilliers c'est juste sur les plages, pour les touristes

le mancenillier, je ne connais pas . j'en ai pas croisé en Guadeloupe, ni en Martinique.

Là, tu nous fais le tour de tout ce qu'il y a à savoir et à gérer sur CE bateau.

Quand tu changes de bateau, il y a une standardisation relative de tous ces éléments (mode de fonctionnement, disposition) ou bien il faut que tu te refasses une grosse "formation"
pour être certain de savoir ou, quand et comment intervenir en cas de disfonctionnement ou de panne??

bob_cramer a écrit :

Là, tu nous fais le tour de tout ce qu'il y a à savoir et à gérer sur CE bateau.

Quand tu changes de bateau, il y a une standardisation relative de tous ces éléments (mode de fonctionnement, disposition) ou bien il faut que tu te refasses une grosse "formation"
pour être certain de savoir ou, quand et comment intervenir en cas de disfonctionnement ou de panne??

Prenons deux voitures par exemple une Golf et une Clio.
Comparables en dimensions, ces deux voitures ont pourtant des commandes au volant très différentes et je ne parle pas de la mécanique...
Sur les bateaux, c'est pire. C'est pas de la série donc pour chaque bateau, pas mal de différences avec son cousin.

Kcirtap a écrit :

bob_cramer a écrit :

Là, tu nous fais le tour de tout ce qu'il y a à savoir et à gérer sur CE bateau.

Quand tu changes de bateau, il y a une standardisation relative de tous ces éléments (mode de fonctionnement, disposition) ou bien il faut que tu te refasses une grosse "formation"
pour être certain de savoir ou, quand et comment intervenir en cas de disfonctionnement ou de panne??

Très bonne question de Bob !

Kcirtap a écrit :

bob_cramer a écrit :

Là, tu nous fais le tour de tout ce qu'il y a à savoir et à gérer sur CE bateau.

Quand tu changes de bateau, il y a une standardisation relative de tous ces éléments (mode de fonctionnement, disposition) ou bien il faut que tu te refasses une grosse "formation"
pour être certain de savoir ou, quand et comment intervenir en cas de disfonctionnement ou de panne??

Très bonne question de Bob !

Comme le dit Penn, à chaque changement de yacht, c'est des procédures différentes. Parfois nous avons du triphasé avec terre, parfois pas de terre mais un transfo de séparation.
avec ou sans onduleur. Des moteurs de types et de générations très différents. Les systèmes hydrauliques accouplés à un des moteurs, un des groupe élec ou tout simplement mis en charge par un moteur électrique. A la passerelle de commandement les équipements, Radar pilote auto, carte électronique, d'une marque à l'autre, sont très différents. Les procédures de démarrage, le mode de propulsion et de stabilisation sont diamétralement opposé entre un Léopard à semi déplacement équipé d'hélices de surface Arneson naviguant à 42 nœuds et un Code Casa à déplacement avec des arbres droit qui ne dépasse pas le onze nœuds.
Le mode de gestion change d'un pavillon à l'autre et selon que le navire est privé ou charter, impose des commandement différents.
Il faut ajouter à cela les petits bricolages souvent ajoutés par l'équipage pour palier à une déficience mécanique quelconque.

Bref, c'est le jour et la nuit d'un navire à l'autre. C'est la raison pour laquelle une passation de pouvoir est nécessaire entre l'ancien et le nouveau capitaine. En moyenne il me faut deux à trois navigations pour vraiment manier l'engin, un mois pour pouvoir gérer correctement l'entretient et trois pour connaître mon outil à fond.

C'est tout le challenge et le plaisir de changer de navire. C'est aussi l'intérêt d'avoir navigué avec tous types de yacht, à voile et à moteur lent ou rapides allant de 25 à près de 40 mètres.

penn_ar_slot a écrit :

Et l'annexe, comment fais-tu pour la mettre à l'eau. Je vois bien la porte du hangar ou je ne sais pas comment tu appelles ça dans le monde du yachting. Je vois bien aussi une rampe avec des vérins...il y a une grue?
Tu parlais autres joujoux, j'imagine des jetskis qu'il faut bien remonter aussi.

En fait le rail glisse vers l'extérieur, et la plateforme de bain s'enfonce dans l'eau. A mi-chemin, on finit de gonfler l'annexe (dégonflée pour tenir dans le garage, on déplie le poste de commande et installe le volant amovible on met le contact et lance un coup le moteur pour voir s'il démarre. L'annexe descend peu à peu, à mesure que l'on libère le treuil.
Le plus difficile c'est l'opération inverse pour la remonter à bord avec de la houle.

Jour dix mercredi 5

Là-bas, quelques 170 mètres devant nous se tient le château, c'est ainsi que l'on appelle la super structure du navire. Les cabines de l'équipage, des officiers et du capitaine. Une salle de repos pour l'équipage et une pour les équipages des yachts. Une cuisine, une cambuse où se trouvent les réserves de vivres, une infirmerie, un local radio et la timonerie avec le capitaine en poste ou un officier de quart le remplaçant. Tous les instruments équipant cette passerelle sont un peu vieillots, mais ultra fonctionnels. Pas de gadgets ici, que de l'utile. Et tout autour des vitres blindées pour tenir tête aux éventuels paquets de mer. Au travers des fenêtres on peut apercevoir l'immensité de l'océan qui nous entoure. Et pas un navire à l'horizon où sur les écrans des radars. Personne sur la route Gibraltar/ Martinique. D'ailleurs seul l'autopilote tient la barre et s'est tout juste si l'officier de quart jette un œil sur les instruments pour s'assurer qu'ils n'aient pas commis d'erreur. Quatre heures d'affilée à surveiller ce qui n'arrivera probablement jamais, que le pilote auto perde la boule ou qu'un risque de collision survienne. A la fois le post le plus vital à bord et le plus inutile, quand, comme à l'instant, tout va bien.

Aujourd'hui le ciel est strié d'alto-cirrus autre fois appelé cheveux d'anges, des nuages de haute altitude et bien en dessous des strato-cumulus les petits moutons habituels. Un bien étrange attelage que ces deux types de nuages. A terre les altocirrus annoncent du mauvais temps ou pour le moins des vents forts alors que les petits strato-cumulus précèdent souvent le beau temps et se génère dans des couches stables, donc avec peu de vent. En mer le mieux reste encore de garder un œil sur le baromètre, s'il chute rapidement, il faudra s'attendre à du très mauvais temps. Pour le moment, celui du bord reste perché à 1023hpa. Des conditions à peine anticycloniques, mais loin d'une dépression. Au pire il tombera quatre gouttes de pluie au milieu de la nuit.

Altocirrus

Le plus souvent en Atlantique et contrairement à la Méditerranée, la météo est prévisible et ce, plusieurs jours à l'avance. Alors que lorsque l'on quitte les côtes du var pour naviguer vers la Corse ou l'Italie, il n'est pas rare de voir surgir de nulle part, un sévère coup de vent creusant la mer et écrêtant les vagues.
Il y aura quatre ans en aout, je croisais dans le sud de l'Italie, quelque part au large de Naples, quand en quelques heures le Baro est tombé de 1018 à 997hpa. Un orage de fin du monde nous est tombé dessus entrainant avec lui des vagues de quatre mètres de haut. La tempête qui s'était abattue sur nous sur le coup des 23 heures s'est évanouie au lever du jour, sans laisser la moindre trace si ce n'est trois ou quatre navires en détresse, mais hors de notre porté. Sur la VHF, nous avions été prévenus moins d'une heure à l'avance par la météo maritime Italienne.

Strato-cumulus

Ce soir cinq mai, nous changeons une nouvelle fois de fuseau horaire. Oui mais cette fois nous sommes pile sur l'heure GMT, celle donnée par le méridien d'origine, positionné au 18ème siècle par les cartographes britanniques, sur le royaume uni, dont la flotte contrôlait alors, toutes les mers de la planète.
Pour ceux qui se posent la question, je n'ai jamais bien su si GMT voulait dire Greenwitch Mean Time (l'heure qu'il est à Greenwitch) ou Genuine Meridian Time, (Heure du méridien d'origine). En attendant, nous naviguons à l'heure universelle et ce pendant les trois prochains jours.

Un avantage c 'est que si le gros navire coule vous pouvez chacun partir avec une embarcation et au choix !

Ouaip...dans le carré, pardon le salon il y a moyen d'installer une piste de slot....