Les nouvelles aventures du Capitaine Fracass

Un régal !!

Merci

la suite la suite la suite !

Merci Ronnie et Biohazard pour votre enthousiasme, la suite arrive, dès que j'ai un peu de temps dans ma journée pour l'écrire.

Et c'est maintenant que commence le vrai travail, pendant les trois prochains mois, avec l'aide d'Anthony, mon Project manager, de Roger le chef électricien du chantier et d'un certain nombre de sous-traitants, nous allions scruter chaque point faible du navire, chaque défaut nécessitant une remise en état pour dresser un devis.
Je précise que ma première réaction en voyant le Lady Iseut, fut de conseiller à mon armateur de s'en débarrasser, quitte à le brader. Et Armand notre broker avait lourdement insisté sur le même point de vue, avec en ce qui le concerne, l'objectif de se faire une commission sur la vente et une autre commission sur l'achat du suivant.

Changement de chantier, changement de décor.

Mais l'armateur Monsieur Darmond, insistait pour que l'on restaure le rafiot. C'était son yacht, il y était attaché et refusait d'en faire une histoire d'argent, il fallait redonner à son navire son lustre d'antan, coût que coûte.
Hé bien pour coûter, la note promettait d'être salée. Lors des inspections approfondies, nous avions défini qu'il était nécessaire de refaire quatre varangues. C'est ainsi que l'on nomme les traverses perpendiculaires à la quille et qui font la rigidité du navire. Ces quatre là avaient été fendues dans un choc dont nous ignorions tout. Pour ce faire il fallait retirer tous les planchers du pont inférieur et tant qu'a les retirer, nous allions en profiter pour refaire toute la plomberie, eau chaude, eau froide, eaux noires et eaux grises. Dans la salle des machines les parcs de batteries devaient être remplacés, ainsi que les échappements, constitués de tubes de 40 centimètres de diamètre. Les culasse des moteurs devaient être démontées pour être refaites et les cylindre allaient devoir être dé-chemisés.

Le pot d'échappement, ils n'en ont pas des comme ça chez Midas.

La pompe incendie était totalement HS !

Tous les vaigrages de la salle des machines devaient être remplacer. Les vaigrages, sont les revêtements muraux. Les pompes d'incendie et d'assèchement manquantes devaient être réinstallées. Dans la timonerie, tous les instruments de navigations obsolètes devaient être remplacés, une alarme incendie complète réinstallée. Le pont extérieur devait voir remplacer son teck et au passage être étanchéifié. Il pleuvait dans le yacht et sur ce type de navire, ça fait désordre.
Une partie du roof devait être réétanchéifié, tout comme la porte de sortie de secours du quartier d'équipage. Et ce dernier pourri de moisissure devait être entièrement réaménagé. Les guindeaux, ainsi nomme-t 'on les treuils qui relèves les ancres, devaient être intégralement refaits. Les vitres du salon en verre feuilleté, avaient délaminé au fil du temps et devaient être remplacées.

La cabine VIP

Après donc trois mois d'étude, le verdict est tombé, le devis au total s'élevait à 800.000 Euros. Il fallut attendre encore un mois la visite de l'armateur au chantier. Le Devis ne l'a pas fait bondir. En revanche, il nous a demandé d'y ajouter le remplacement de la porte de garage arrière par un système de plage de bain indépendant et des stabilisateurs gyroscopiques.
Cette fois le devis atteignait le million et même 1.2 million avec la commission du broker !
Tout simplement déraisonnable pour un Conam 27, c'est le nom du modèle, qui même parfaitement restauré, avec sa nouvelle plateforme de bain et ses stabilisateurs gyroscopiques, ne se vendraient jamais plus de 800.000 Euros...

50cm d'eau dans le fond de cale de la salle des machine, ce n'est jamais bon signe.

C'est là que la décision a commencé à tarder. Monsieur Darmond affrontait d'autres problèmes plus graves ; son épouse avait pris le large avec un jeunot et voulait divorcer en le laissant seul avec trois gamins en bas âges.
Tous les soirs mon armateur pleurait des heures durant au téléphone avec à l'autre bout de la ligne notre broker qui lui prêtait une oreille attentive. Mais lorsque l'on prend des centaines de milliers d'euros de commission, on peut passer la moitié de la nuit à écouter pleurer un mari bafoué.

Ces trappe sont des vrais pièges

De mon côté, je soignais les deux côtes que je m'étais cassées dans le Lady Iseut. Une alarme incendie dans la cabine VIP ou j'avais pris mes quartiers, s'était déclenchée et j'avais couru pour voir se qui s'y passait. En fait c'est une fausse alerte, mais une trappe restée ouverte fit office d'oubliettes, je suis tombé dedans et me suis donc cassé deux côtes dans ma chute.
A ce stade le vieux Conam, était devenu mon cauchemar quotidien, mon désert des Tartares. Sans clim ni chauffage, j'y avais souffert de la canicule l'été et là le froid m'était devenu pénible en ce mois de décembre. J'y passais des semaines entières, à attendre une décision de mon boss, dans l'odeur des moisissures, à tenter d'occuper mes journées à ne rien faire ou presque. Les Anglosaxons ont un terme pour ce genre de situation, le Bore-out. Bore veut dire ennui dans la langue de Shakespeare. Ce genre de situation commune aux cadres que l'on met au placard à défaut de pouvoir s'en séparer et qui sombrent dans la dépression à force de se sentir inutiles.

Il pleuvait même dans le salon.

Pour m'occuper un temps, mon boss m'avait envoyé à Palma de Majorque y tester deux vedettes qu'il voulait s'offrir. Loger dans seul dans une immense villa, tous frais payés et avec voiture de fonction fournie, ce fut une belle parenthèse. Mais de retour au chantier, l'ennui avait vite repris le dessus.
Puis un jour de janvier, la décision était venue, il fallait vendre l'épave quelque en soit le prix. L'heure n'était plus aux navigations estivales, mais au divorce et sont lot de divisions cruelles.
Ce vieux navire fantôme n'aurait jamais trouvé preneur si la Covid, n'avait pas bouleversé le monde du yachting. Qui l'aurait prédit ? La pandémie avait suscité une ruée vers le yachting. Tous les millionnaires voulant partir en mer, loin de la foule contagieuse. Bientôt il n'y eut plus un yacht de disponible sur les étagères. Les constructions neuves affichaient deux ans de liste d'attente. Et, pour le réseau de l'occasion, tout se vendait et à des prix bien au-dessus du marché habituel.
En quelques semaines seulement, Armand nous a dégoté un acheteur ; et si le monde de la grande plaisance comptait un pigeon, c'était assurément celui-là...


Bientôt de retour à l'eau, mais toujours dans le même état.

Une belle merguez cette lady iseult...

Biohazardnico1 a écrit :

Une belle merguez cette lady iseult...

Tu n'imagines pas encore à quel point cette dénomination lui va bien.

Au passage ce post dépasse bientôt les 500 vues et ça m'épate ! Après tout nous somme lois ici du sujet centrale de ce forum. De plus il n'y a pas de photos de belles nana et plein de texte. Bravo les gars, là vous m'avez scotché. Bientôt la suite...

CaptFracass a écrit :

Au passage ce post dépasse bientôt les 500 vues et ça m'épate ! Après tout nous somme lois ici du sujet centrale de ce forum. De plus il n'y a pas de photos de belles nana et plein de texte. Bravo les gars, là vous m'avez scotché. Bientôt la suite...

Oui d'ailleurs, ça manque un peu de photos de belles nanas ici

Citation :

Oui d'ailleurs, ça manque un peu de photos de belles nanas ici

J'ai passé trois jours à tenter de rendre ce vieux yacht présentable, j'ai brossé le teck, passé l'aspirateur vidé les fonds de cales, jeté la vielle vaisselle, mis de l'ordre dans les cabines pour faire illusion. J'ai aussi remplacé les ampoules grillées, répandus dans toutes les cabines, des senteurs printanières ; de celles que l'on vend sous pression dans des bombes de brise. J'ai lavé les vitres et arrangé ce qui pouvait l'être.
Tant et si bien que lorsque notre acheteur, nous l'appellerons Helmut, est arrivé ; le regard qu'il posa sur le Lady Iseut, me fit penser au Petit prince de St Exupéry devant sa boite. Je m'attendais à l'entendre dire, « - Il est parfait, juste comme je l'avais imaginé » et d'ailleurs sa réaction fut assez proche de ça.

Helmut était Autrichien, il vivait de la location de limousines américaines, achetées presque à l'état d'épave aux USA, retapées à moindre frais et louées en Autriche à prix d'or. Cette fois il s'apprêtait à acheter son premier bateau, avec l'intention de faire pareil. Oui mais un Yacht, même de 27 mètres est déjà une machine complexe à ne pas mettre en toutes les mains. La climatisation, la fabrication d'eau douce à partir de l'eau de mer, la circulation d'eau chaude, d'eau froide, la gestion des eaux usées, la fabrication du courant et sa conversion dans trois voltages distincts, la gestion des commandes hydrauliques, la surveillance de tous ces composants et bien d'autres, sont autant de systèmes indépendants, inhérents au fonctionnement d'un yacht. Chacun de ces systèmes est protégé par un disjoncteur au tableau principal du navire et sur les Lady Iseut, il y en avait près d'une centaine. Sur un yacht de 38 mètres il peut y en avoir le double.
Or chacun de ces ensembles, peut à lui seul être cause de problèmes dont certains peuvent être très graves.
Nous avons fait visiter le Yacht à Helmut qui était accompagné d'un ami supposé le conseiller et de son propre broker. Puis nous lui avons présenté l'ensembles des devis réalisés par le chantier pour la remise en état du vaisseau. Il a pris un crayon et a commencé à rayer ligne après ligne, ce qu'il jugeait superflu. Armand et moi lui avons expliqué que pour naviguer, au minimum, il allait devoir en passer par la remise en service des moteurs, des systèmes de navigation et de sécurité. Le reste, concernant l'esthétique pouvait être considéré comme secondaire.

Oui mais ce que nous avions désigné comme étant essentiel, s'élevait tout de même à 500.000 Euros. Auquel il fallait ajouter le prix d'achat du navire soit 350.000 Euros. Au total pour repartir avec son yacht Helmut aurait à dépenser 850.000 Euros, ce qui était dans cette période précise le prix de vente d'un Conam 27 en parfait état. La discussion se poursuivit pendant trois heures, l'acheteur me posa un tas de questions auxquelles je tentais de répondre honnêtement sans pour autant casser la vente.
J'avoue que de mon point de vue, il ne fallait pas acheter ce navire, mais qui se soucie de mon point de vue ?
Helmut était reparti chez lui et ce fut le moment que Poutine choisit pour déclarer la guerre à l'Ukraine. Ce simple changement dans la politique étrangère suffit à faire basculer le monde du de la grande plaisance dans le marasme. Les acheteurs Russe, annulèrent en premiers leurs bons de commande, puis tous les autres suivirent. Après tout qui pouvait dire la tournure que cette guerre allait prendre ?
Tout naturellement Helmut était revenu sur son envie d'acheter le Lady Iseut. De plus son épouse trouvait que l'idée était risquée. Enfin quelqu'un de sensé dans cette histoire. Bref, je vis le moment où j'allais devoir passer encore tout un été sur cette épave et l'idée était loin de me ravir.
En fait je sous-estimais le pouvoir de persuasion d'Armand, qui fit une contreproposition à 200.000 Euros. Le lundi suivant l'annonce est tombée, Helmut se portait acquéreur. Sur les 200 K€ versés, la moitié seraient prélevés sous forme de commission par les eux broker. Oui, vous avez bien compris, 100.000 euros de commission pour quelques coups de téléphones échangés et quelques papiers à remplir. En fait ce sont eux les seuls à avoir vraiment fait une affaire.

Le vendredi suivant Helmut était de retour avec Klaus son chef mécanicien, le meilleur ingénieur maritime d'Autriche, selon Helmut. J'ose espérer qu'il se trompe, Klaus était à la peine sur toutes les explications que je lui donnais. C'est une tradition dans le monde maritime, lorsqu'un capitaine quitte un navire il forme son successeur. On appelle ça la « Passation ». Mais là, dans le cas présent mon successeur n'est pas encore arrivé et moi je quitte le bord définitivement le soir même.

Normalement expliquer le fonctionnement d'un navire à un Chef mécanicien devrait prendre moins de temps qu'à un capitaine, considérant que l'ingénieur est plus apte à comprendre tous les détails techniques du bord, qu'un capitaine qui ne descend pas si souvent dans la salle des machines. De plus les procédures de mise en route des moteurs, ou de basculement du courant électrique du quai vers le courant du bord sont semblables sur tous les yachts à moteur. Les systèmes de froid ou hydrauliques fonctionnent tous sur les mêmes principes. A titre d'exemple, je n'ai eu besoin d'aucune explication pour mettre en route le Lady Iseut, lors de ma première sortie en mer.

Oui mais Klaus est paumé, il ne comprend rien, ne prends pas de note et me demande de répéter chacune de mes explications plusieurs fois. Lorsque Helmut lui demande comment ça va, il répond que je vais trop vite, alors que ça fait déjà trois heures que ça dure et que soixante minutes auraient dû suffire. De toutes les façons la nuit tombe, Klaus est saturé d'informations, plus rien ne traverse ses neurones. Je conclue en lui disant : « - Tout fonctionne pour le moment, lundi les techniciens du chantier seront là, ils vous réexpliqueront tout dans les détails. De toutes les façons vous êtes là pour plusieurs semaines avant de prendre la mer ; d'ici là vous aurez sans doute assimilé la lus grande partie de ce qu'il y a à savoir. Et surtout en attendant lundi, ne touchez à rien a part la lumière, les robinets et la cuisinière pour vous faire à manger »

En fait Klaus était tout sauf chef des machines. Pour un yacht de cette taille et dans cet état, le diplôme d'ingénieur correspondant s'appelle le 3000KW. C'est une appellation universelle, pour un certificat qui vient sanctionner une formation complète de mécanicien diéséliste, d'électricien, d'hydraulicien et de technicien froid. Avec ce diplôme en poche, vous savez aussi bien analyser un bruit suspect sur un V16 tri-turbo de 43 litres de cylindrée, que réparer une clim, ou une pompe auto-amorçant. Klaus très probablement était mécano marine à terre et travaillait sur des moteurs de petites tailles comme ceux qui équipent une vedette de 12 mètres. D'ailleurs il avait été surpris par la taille de nos moteurs, alors qu'ils n'étaient pas particulièrement sur dimensionnés.
Il était vingt et une heures trente passées, lorsque je tournais enfin ma clé dans le Niemann de ma voiture, pour enfin rentrer chez moi, heureux de ne plus avoir à revenir dans ce puits d'ennui qu'avait été pour moi le Lady Iseut. C'était le vendredi de Pâques et le weekend allait tourner au cauchemar...

En effet, un tel récit ici peut paraître curieux, mais dans la rubrique "papotages divers" rien ne s'y oppose, ne boudons pas notre plaisir. Le sujet et la lecture en sont très agréables...
J'attends la suite avec impatience. A quand la sortie du livre ?

DrA a écrit :

... A quand la sortie du livre ?

J'avoue y penser sérieusement, mais pour cela, il faudra attendre que je prenne ma retraite. Le jour ou je publie ce livre, je suis grillé dans la profession. Raconter comme je le fais, ce qui se passe dans ce milieux est un crime de lèse majesté. Personne ne l'a jamais fait alors que même les anciens agents secrets écrivent leur mémoires. Ici sur ce forum, vous pénétrez dans un monde encore plus secret que les pièces cachées de la grande pyramide d'Egypte et j'exagère à peine.
Il existe bien une série américaine prenant place sur un maxi yacht, mais l'approche est très édulcorée et Hollywoodienne.

CaptFracass a écrit :

DrA a écrit :

... A quand la sortie du livre ?

Il existe bien une série américaine prenant place sur un maxi yacht, mais l'approche est très édulcorée et Hollywoodienne.

La croisière s'amuse...

Encore une Belle histoire de marin !Merci Alinou !

Attendez le meilleur n'est pas encore arrivé

theblackt a écrit :

Attendez le meilleur n'est pas encore arrivé

Le meilleur c'est beaucoup dire.

Mon ex beau père , qui a son modeste niveau avait possédé un petit chantier naval du côté d'Arcachon , possédait une vedette d'un peu plus de 15 m , toute en bois, teck et acajou (dans le look des Guy Couach des annnees 70) avec 2 Perkins .
Son bateau, bien que nécessitant des soins réguliers liés à sa construction « bois » n'avait heureusement pas tous les problèmes du Lady Yseut, mais que de bons souvenirs.
Ceci posé, et même si posséder un bateau m'a tenté a un moment ,les différents coûts d'entretien et les frais généraux liés à son entretien m'ont très vite ramené à la raison...
Merci du partage

J89 a écrit :

Mon ex beau père , qui a son modeste niveau avait possédé un petit chantier naval du côté d'Arcachon , possédait une vedette d'un peu plus de 15 m , toute en bois, teck et acajou (dans le look des Guy Couach des annnees 70) avec 2 Perkins .
Son bateau, bien que nécessitant des soins réguliers liés à sa construction « bois » n'avait heureusement pas tous les problèmes du Lady Yseut, mais que de bons souvenirs.
Ceci posé, et même si posséder un bateau m'a tenté a un moment ,les différents coûts d'entretien et les frais généraux liés à son entretien m'ont très vite ramené à la raison...
Merci du partage

D'après mon expérience professionnelle et après avoir œuvré sur des voiliers comme sur des yachts à moteur, posséder un bateau, n'est jamais rentable, c'est même un puit financier sans fond. La seule position à la rigueur justifiable, c'est de vivre sur le bateau à plein temps sans avoir d'autre résidence à l'exclusion d'une résidence que l'on loue à autrui. Et encore. Sur une yacht à moteur le problème c'est le carburant, sur un voilier, c'est les équipements qu'il faut renouveler périodiquement ; les voiles, les gréements courant, les gréements dormants et autres.
Bref, le moyen le plus rentable de faire du bateau, c'est de le louer.
J'ai procédé un voilier de 8.5m et dieux que j'ai été content de m'en séparer !